Crémone : légende du vernis
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En 1903, les frères Hill dans leur livre « Antonio Stradivarius, His life and Works » abordent le sujet de l’importance des conditions de séchage, notamment pour les vernis à l’huile en citant une lettre retrouvée du Maître Stradivarius où il écrit : « Le violon ne peut être porté à sa perfection sans la forte chaleur du soleil. » De plus, pour appuyer cette hypothèse, on retrouve sur les plans de la maison de Stradivari, Piazza de Roma à Crémone, des séchoirs placés sur des vérandas dans la partie supérieure de l’atelier. C’est à cet endroit que le luthier suspendait ses instruments afin qu’ils puissent sécher à l’air libre mais également à l’abri des éléments. Depuis, certains luthiers modernes ont essayé de remplacer ce séchage à l’air libre par un séchage en étuve, sans pour autant atteindre la qualité de séchage proposée par le temps et la nature.
Le célèbre luthier et restaurateur Italien Simone Fernando Sacconi dédia une partie de sa vie à l’étude des violons et des vernis de Stradivarius.
Ses recherches l’amenèrent à découvrir qu’à l’époque de Stradivarius, de nombreux vernis de Crémone possédaient les mêmes caractéristiques. Il avança alors l’hypothèse suivante :
« On peut supposer qu’à l’origine on avait tout simplement pensé à vernir les instruments, comme les ébénistes vernissaient leur marqueterie. Ainsi, le procédé est-il assez ancien et n’a pas été inventé par les luthiers.
En examinant récemment la marqueterie d’une armoire qui se trouve au Musée Municipal de Crémone et celle du chœur de la Cathédrale de Crémone qui sont des œuvres de G.M Platina, réalisées entre 1477 et 1490, j’ai eu la preuve que la préparation du bois et le vernis étaient de même composition que ceux utilisés en lutherie.
On y trouve la même transparence, les variations de couleurs soyeuses et les reflets doré qui étaient propres aux instruments fabriqués par les Amati lorsqu’ils utilisaient du vernis non coloré."
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Les premières investigations pour comprendre la composition des vernis utilisés à Crémone au 17ème siècle datent de 1808. À cette époque, l’hypothèse avançait que le vernis du maître italien Stradivarius était à l’huile, sans pour autant pouvoir affirmer la composition ou le dosage.
Des études menés par deux frères Luthiers, (les frères Mantegazza) proposaient que les violons du maître Stradivarius étaient tout d’abord revêtu d’un enduit pour le traitement du bois blanc, avant d’être vernis. Malheureusement, cette hypothèse ne put être vérifiée par les deux frères.
Deux siècles plus tard, cette même hypothèse d’une couche avant vernissage fut abordée. Cette fois-ci, le luthier à l’origine de cette nouvelle hypothèse émettait l’idée que Stradivarius appliquait une première couche de vernis, sans pigment, attendait le séchage complet de cette première couche avant d'y ajouter une seconde, cette fois composée de pigments.
Le vernis de Crémone, une recette aujourd'hui perdue.
Il n’existe aujourd'hui plus aucune trace écrite sur la composition des vernis de Crémone utilisés au 16ème et 17ème siècle. Cela est d'autant plus intriguant vu toute l'importance et toutes les convoitises suscitées par les instruments de cette époque.
Aucune archive ou aucune note sur la composition des vernis des grands maitres italiens n’a pu traverser les époques et nous indiquer aujourd’hui les principaux composants de ces vernis historiques. De nombreuses légendes tournent autour de ce secret sur la composition des vernis de Crémone.
Aujourd’hui encore on ne sait pas qui aura le dernier mot sur la composition exacte, le dosage ou les techniques d’application du vernis de Crémone. Parmi les différentes hypothèses avancées, certaines ont pu être vérifiées et d'autres, infirmées.
Même si depuis quelques années, des recherches scientifiques sont menées pour percer la totalité des mystères des vernis de Crémone, ces vernis italiens n’ont pas fini de nous fasciner et de livrer tous leurs secrets.
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Dernières découvertes scientifiques
Une étude menée en 2009 par Jean-Philippe Échard, conservateur en charge des instruments à cordes au Musée de la musique de Paris et Balthazar Soulier, Luthier et conservateur, a permis grâce aux dernières avancées scientifiques d'analyser des échantillons de vernis du maître Stradivarius.
Les conclusions sont les suivantes. Le vernis utilisé à l'époque pour vernir les bois étaient composés :
D'une première couche d'huile fine siccative
Une seconde couche d'huile mélangée à de la résine de pin et des pigments. Pigments probablement à base de Carmin ou d'Oxyde de fer.
Cette découverte vient donc conforter les hypothèses avancées il y a maintenant deux siècles.
Crémone, ville d'environ 70 000 habitants située au Lombardie au Nord de l'Italie, est considérée comme berceau de la lutherie, elle y a notamment vu naître Antonio Giacommo Stradivari, dit Stradivarius.
Aujourd'hui cette ville abrite plus de 150 ateliers de lutherie avec des professionnels venus du monde entier, notamment pour se former à l'école de lutherie de Crémone. Certains d'entre eux, une fois diplômés décident de rester dans cette ville historique afin de prolonger la tradition de Crémone; berceau de la lutherie.
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La légende raconte que les premiers violons sont nés à Crémone (Italie) il y a plus de 400 ans maintenant.
Les recherches sur le vernis de Crémone